Les expériences partagées dans les deux premières interviews croisées sur le thème « La vie, une course ? » se rejoignent : si la course à pied peut prendre différentes formes, elle vise toujours un certain plaisir. Toutefois, cette satisfaction ultime diverge par la variété de sensations qu’elle procure et l’objectif recherché. Courir peut être synonyme de cumul de kilomètres, avoir pour finalité la performance, permettre de changer d’environnement, constituer un moyen de se maintenir en forme, donner l’occasion de partager un moment privilégié avec ses proches. Et ce qui traverse l’esprit lors de l’effort appartient à chacun.
Clotilde, 46 ans, et Hadrien, 37 ans, chaussent leurs baskets pour s’éloigner de leur quotidien de citadins et changer d’air. Clotilde est ingénieure et occupe les fonctions de pilote de performance au sein d’une société de télécommunications ; elle a participé à trois courses : Courir pour elles [course caritative au profit de la prévention des cancers ‒ note de votre lectrice-correctrice], la Marseille-Cassis et la SaintéSprint [24 km dans la région de Lyon, qui s’effectuent en nocturne ‒ N.D.V.L.-C.]. Hadrien, responsable des partenariats dans le secteur bancaire entreprenarial, a couru The Mud Day Paris [13 km dans la boue avec 22 obstacles à franchir ‒ N.D.V.L.-C.], les 10 km et les 20 km de Paris, le Run In Lyon, la Marseille-Cassis également, le semi et le marathon de Paris, la Paris-Versailles, les 10 km de Nuits-Saint-Georges.
À leur tour de nous confier leurs témoignages.
Votre lectrice-correctrice ‒ Quelle place tient la course à pied dans ta vie ?
Clotilde ‒ Je ne suis pas une grande sportive de nature mais j’ai démarré la course à pied il y a six ans avec ma belle-sœur, pour me « challenger ». Depuis deux ans, la course a dû s’éclipser de mon quotidien pour être remplacée par de la marche car elle était traumatisante pour ma hanche. Je reprends tout doucement depuis quelques semaines… en réapprenant à courir.
Hadrien ‒ À la base, j’aime plutôt les sports collectifs. Mais lorsque je me suis installé à Paris, je me suis mis à la course à pied car c’est un sport simple d’accès et qui permet de s’entretenir facilement.
Votre lectrice-correctrice ‒ Qu’est-ce qui te fait courir, qu’est-ce qui t’anime ?
Clotilde ‒ La course a été pour moi un moyen de rester en forme dans un premier temps, de ne pas devenir trop sédentaire – étant assise toute la journée au travail. C’est une façon de me dépasser. Je pratique aussi la danse mais la course à pied permet d’aller plus loin dans le dépassement de soi.
Hadrien ‒ Le besoin de me défouler, de m’aérer l’esprit. Plus on fait de courses, plus il y a une volonté de se mettre au défi et de se dépasser. Et puis, en fonction des endroits, il y a l’environnement, les paysages, qui peuvent être hallucinants.
Votre lectrice-correctrice ‒ Un mot pour définir ce que représente la course à pied pour toi. Pourquoi ce terme ?
Clotilde ‒ Bouffée d’oxygène. C’est une pause dans le quotidien qui permet de se vider la tête en se concentrant sur son corps et ses mouvements (même si la plupart du temps, je cours à Lyon et dans la pollution – donc au niveau oxygène, ce n’est pas fou).
Hadrien ‒ Évasion. Entre les paysages et le fait de faire le vide dans sa tête.
Votre lectrice-correctrice ‒ À quoi penses-tu, quand tu cours ?
Clotilde ‒ À rien en particulier, principalement au fait de courir et que cela me fera du bien. Lorsque les journées de travail sont intenses, je démarre ma course en faisant un bilan de la journée ou de la semaine et je passe vite à autre chose, à observer ce qui se passe dehors.
Hadrien ‒ À tellement de choses !… Le travail, le quotidien, ce que je fais de bien, ce que je peux améliorer… Une sorte de restart pour la semaine au moins.
Votre lectrice-correctrice ‒ Ton meilleur souvenir de course ?
Clotilde ‒ Ma première course de 10 km dans le cadre de « Courir pour elles », au bout de laquelle je ne pensais pas pouvoir arriver. J’ai pourtant tenu, accompagnée de mes collègues et de ma belle-sœur. Une chouette ambiance pour une noble cause et un bilan personnel très positif.
Hadrien ‒ Il y en a deux que je mets en parallèle : la course Marseille-Cassis pour la beauté du paysage et l’ambiance ; le marathon de Paris pour le défi, le dépassement de soi.
Votre lectrice-correctrice ‒ Une mauvaise expérience ?
Clotilde ‒ Ma dernière Marseille-Cassis, où malgré un entraînement plus intense, la performance et le mental n’ont pas été au rendez-vous. Un sentiment de défaite qui a été difficile à surmonter.
Hadrien ‒ Le semi-marathon de Paris que j’ai fait sans préparation. Résultat : ça a été très long et je me suis fait mal… Mauvaise idée de prendre ce genre de course à la légère.
Votre lectrice-correctrice ‒ Une anecdote ?
Clotilde ‒ Lors de la SaintéSprint, ma première course de 21 km et de nuit, j’ai découvert ce qu’étaient véritablement l’entraide sportive et le dépassement de soi. Parties à trois, nous nous sommes motivées pour finir ensemble la course qui était l’aboutissement de nos entraînements.
Mon mari et mes enfants ont tenu à fêter l’événement et le lendemain, nous sommes donc allés au restaurant puis au cinéma en famille. L’ascenseur étant en panne, nous avons dû descendre à pied les cinq étages du parking, ce qui a terminé de mettre à rude épreuve mon corps endolori. Mais j’étais si fière de moi et ma famille l’était tellement aussi que mon mental était complètement regonflé et que rien ne pouvait m’arrêter.
Hadrien ‒ Mon ami Quentin était venu faire le marathon de Paris avec moi pour me « coacher ». Comme il devait attraper son train retour juste après, il m’a demandé de ne pas dépasser 5 heures de course ; nous avons franchi la ligne d’arrivée au bout de 4 h 55.
Votre lectrice-correctrice ‒ « La vie est une course » : qu’en penses-tu ?
Clotilde ‒ Effectivement, la vie est une course, au niveau professionnel, familial, etc. On y retrouve toutes les phases de la course à pied : on passe par des hauts et des bas, par des moments où l’on ne se sent pas la force d’atteindre ses objectifs. Mais comme pour la course, il faut savoir adapter l’allure, revoir ses ambitions, ses priorités ; apprendre à marcher parfois au lieu de courir.
Hadrien ‒ Sans vouloir « faire mon Parisien », ce terme de « course » est très juste quand on voit que nous passons nos journées à courir après le temps et les horaires. Paradoxalement, faire de la course à pied permet de prendre du temps pour soi.